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Archive for 10 avril 2014

d’une économie à l’autre….

On parle relativement peu de l’union eurasiatique que défend le Président Poutine, http://www.nouvelle-europe.eu/l-union-eurasiatique-perspectives-et-limites-du-projet-russe

C’est sans compter le projet de grand marché transatlantique :

Source : http://www.monde-diplomatique.fr/2014/03/HALIMI/50200

Un piège transatlantique

par Serge Halimi, mars 2014

On peut parier qu’il sera beaucoup moins question de ce sujet lors des prochaines élections européennes que du nombre d’expulsions d’immigrés clandestins ou de l’enseignement (prétendu) de la « théorie du genre » à l’école. De quoi s’agit-il ? De l’accord de partenariat transatlantique (APT), qui va concerner huit cents millions d’habitants à fort pouvoir d’achat et presque la moitié de la richesse mondiale (1). La Commission européenne négocie ce traité de libre-échange avec Washington au nom des vingt-huit Etats de l’Union ; le Parlement européen qui sera élu en mai devra le ratifier. Rien n’est encore joué, mais, le 11 février dernier, lors de sa visite d’Etat à Washington, le président français François Hollande a proposé de hâter le pas : « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. »

« Tout à gagner à aller vite » ? Dans cette affaire, il importe au contraire de donner un coup d’arrêt aux machines à libéraliser et aux lobbys industriels (américains, mais aussi européens) qui les inspirent. C’est d’autant plus nécessaire que les termes du mandat de négociation confié aux commissaires de Bruxelles ont été cachés aux parlementaires du Vieux Continent, tandis que la stratégie commerciale de l’Union (s’il en existe une, en dehors de la récitation des bréviaires du laissez-faire) n’avait plus aucun secret pour les grandes oreilles américaines de la National Security Agency (NSA) (2)… Un tel souci de la dissimulation, même relative, annonce rarement de bonnes surprises. De fait, le bond en avant du libre-échange et de l’atlantisme risque d’obliger les Européens à importer de la viande aux hormones, du maïs génétiquement modifié, des poulets lavés au chlore. Et d’interdire aux Américains de favoriser leurs producteurs locaux (Buy American Act) lorsqu’ils engagent des dépenses publiques pour lutter contre le chômage.

Pourtant, le prétexte de l’accord, c’est l’emploi. Mais, enhardis par des « études » souvent financées par les lobbys, les partisans de l’APT sont plus loquaces sur les postes de travail créés grâce aux exportations que sur ceux qui seront perdus à cause des importations (ou d’un euro surévalué…). L’économiste Jean-Luc Gréau rappelle cependant que, depuis vingt-cinq ans, chaque nouvelle percée libérale — marché unique, monnaie unique, marché transatlantique — a été défendue en prétextant qu’elle résorberait le chômage. Ainsi, un rapport de 1988, « Défi 1992 », annonçait que « nous devions gagner cinq ou six millions d’emplois grâce au marché unique. Toutefois, au moment où celui-ci a été instauré, l’Europe, victime de la récession, en a perdu entre trois et quatre millions (3) »

En 1998, un accord multilatéral sur l’investissement (AMI), déjà conçu par et pour les multinationales, fut taillé en pièces par la mobilisation populaire (4). L’APT, qui reprend certaines de ses idées les plus nocives, doit subir le même sort.

Serge Halimi

(1) Lire Lori M.Wallach, « Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens », Le Monde diplomatique, novembre 2013.

(2) Patrick Le Hyaric, député européen du groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE), a publié le texte intégral de ce mandat de négociation dans son livre Dracula contre les peuples, Editions de L’Humanité, Saint-Denis, 2013.

(3) Jean-Luc Gréau, dans « Le projet de marché transatlantique », actes du colloque de la Fondation Res Publica, Paris, septembre 2013.

(4) Lire Christian de Brie, « Comment l’AMI fut mis en pièces », Le Monde diplomatique, décembre 1998.

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Donetsk, la suite…

Source : http://www.lemonde.fr/international/article/2014/04/09/ukraine-les-prorusses-de-donetsk-veulent-rejouer-maidan_4398148_3210.html

Dans l’est de l’Ukraine, les prorusses veulent leur propre révolution

LE MONDE | 09.04.2014 à 11h30 • Mis à jour le 09.04.2014 à 15h54 | Piotr Smolar (Donetsk, Ukraine, envoyé spécial)

Des militants prorusses à Donetsk, mardi 8 avril, devant le siège de l’administration régionale, dont ils ont pris le contrôle dimanche
Des militants prorusses à Donetsk, mardi 8 avril, devant le siège de l’administration régionale, dont ils ont pris le contrôle dimanche | AP/Efrem Lukatsky

 

On peut détester « Maïdan » et lui emprunter ses codes. On peut maudire les « nationalistes » qui se sont emparés du pouvoir à Kiev et adopter leur accoutrement, leur liturgie civique. Il est 22 heures passées à Donetsk, mardi 8 avril, devant le siège de l’administration régionale, pris depuis deux jours par des militants prorusses. Plusieurs centaines d’habitants sont encore rassemblés devant le bâtiment, transformé en camp retranché, abandonné par les forces de l’ordre en attendant un éventuel assaut. La situation de l’est de l’Ukraine est comme suspendue, alors que les autorités centrales ont lancé une « opération antiterroriste ». A Kharkiv, le siège de l’administration a été repris lundi. A Lougansk, après des négociations, une cinquantaine de personnes ont quitté le siège des services spéciaux (SBU), toujours occupé.

A Donetsk, à 200 mètres de l’administration, la vie continue : on se promène, on s’aime, on mange, on boit. Mais devant le bâtiment, deux barricades ont été érigées avec des sacs de sable, des pneus, des bouts de bois et des fils barbelés tout neufs. La première s’arrête aux parterres de roses, pour ne pas abîmer les pieds fraîchement plantés. La seconde, une cinquantaine de mètres devant l’entrée, est gardée de toutes parts. Des hommes masqués, cagoulés, équipés de bâtons ou de bouclier font le guet.

« RESPUBLIKA »

On agite des drapeaux russes. On récolte des fonds pour la cause, celle de la « république nationale du Donbass », proclamée lundi matin, en attendant un hypothétique référendum sur le statut de la région. A l’intérieur du bâtiment, des cocktails Molotov sont prêts, un point médical n’attend plus que des blessés.

On peut se restaurer sommairement avec des biscuits secs, des tartines et de l’eau minérale. On crie le slogan « Crimée, Donbass, Russie ! », comme s’il s’agissait d’un itinéraire magique à emprunter. Au micro, on appelle l’assistance à allumer la lumière des portables et à réclamer une « Respublika ». « Y a-t-il des séparatistes parmi vous ? », interroge l’oratrice. « Noooon ! » La foule n’aime guère ce terme péjoratif en cours dans la capitale. L’oratrice reprend donc, satisfaite. « On est le Donbass ! On veut vivre bien. Et comment vivre bien s’ils disent que la Russie est notre ennemie ? »

A Donetsk, le 8 avril.
A Donetsk, le 8 avril. | REUTERS/STRINGER

 

Bien entendu, Donetsk a ses propres groupes d’autodéfense. Ils veillent. Le journaliste étranger, équipé d’un dangereux carnet de notes, est vite repéré. On commence par le photographier de loin. Puis, à trois ou quatre, le visage couvert par un masque hygiénique qui ne peut, hélas, retenir les effluves d’alcool, on s’empare de lui pour un contrôle d’identité musclé. La paranoïa et l’excitation ne forment pas un bon mélange. On photographie nos documents d’identité. L’incident se répète à trois reprises. La dernière fois, le chef, un brin maladroit, laisse tomber un couteau par terre.

« CE N’EST PAS NOTRE RÉVOLUTION »

Andreï Vakhrouchev s’excuse en leur nom. Ce n’est pas l’image du Donbass qu’il aimerait voir diffusée en Occident. Originaire de Marioupol, autre cité industrielle de la région, ce programmeur informatique de 25 ans aime se considérer comme un membre de l’intelligentsia de Donetsk. Il parle calmement, choisit ses mots. Il était à l’église dimanche. A la sortie, sa mère l’a prévenu que l’administration avait été prise. Il s’est rendu sur place, aidant à ériger une barricade. « Toute la ville est opposée à ce qui s’est passé à Kiev, au renversement de régime. Ce n’est pas notre révolution. Personne ne tient compte de notre avis. »

Le grand-père d’Andreï a combattu les nazis lors de la « grande guerre patriotique », appellation donnée en Russie à la seconde guerre mondiale. « Je me souviens quand, assis sur ses genoux, je regardais ses médailles. Et maintenant, les types de Maïdan veulent nous dire que c’était un occupant… »

A Donetsk, le 9 avril.
A Donetsk, le 9 avril. | AP/Alexander Ermochenko

 

Voilà pourquoi Andreï aimerait qu’un référendum soit organisé dans la région, avant l’élection présidentielle du 25 mai à laquelle il ne veut pas participer. Les habitants du Donbass pourraient ainsi décider, dit-il, s’ils envisagent leur avenir dans l’Ukraine ou dans la Fédération de Russie, à l’instar de la Crimée.

Natacha, 36 ans, ne veut pas donner son nom. Elle travaille depuis vingt et un ans dans les chemins de fer. Elle est agent commercial. Natacha n’a aucune sympathie pour l’ancien président Viktor Ianoukovitch, dont Donetsk était la base arrière. « Il a trahi tout le peuple, il a trahi nos garçons des Berkout qu’il a laissés tomber dans sa fuite. Je respecte Poutine, qui est un leader d’envergure. » Natacha devine que « la vie ne sera pas mieux tout de suite, si on rejoint la Russie ». Mais, dit-elle, « les choses sont allées trop loin à Kiev » pour continuer à vivre ensemble.

« LIBERTÉ »

A force de dénoncer une conspiration russe, le gouvernement ukrainien a oublié de rassurer ces populations de l’Est. Elles aussi ont le mot « liberté » à la bouche : la liberté de parler russe, de commercer par-delà la frontière, d’enseigner l’histoire sans glorifier Stepan Bandera, la grande figure nationaliste. Les Occidentaux et les partisans d’une Ukraine unitaire se rassurent en citant les études d’opinion : depuis toujours, les partisans d’un rattachement de l’Est à la Russie sont extrêmement minoritaires. Mais mesure-t-on les répliques sismiques de Maïdan, qui radicalisent les positions ?

Les habitants rassemblés dans le périmètre miniature de la « république nationale du Donbass » sont ici de leur propre gré, mus par l’angoisse et la colère. L’homme le plus riche d’Ukraine, Rinat Akhmetov, a même tenté de parlementer lundi avec les militants retranchés. Sans succès.

Ce précipité qui se forme au fond de la marmite ukrainienne n’est pas aisément définissable. Ses acteurs ont souvent du mal à articuler leurs revendications. Ils rêvent d’une vie meilleure et pensent que la Russie peut y contribuer, alors qu’un rapprochement avec l’Union européenne aurait des effets désastreux pour leurs mines et l’industrie métallurgique. Ils se sentent isolés, ignorés, méprisés par Kiev. Le durcissement des peines pour séparatisme, voté au Parlement mardi, ne semble pas les préoccuper. Ils revendiquent leur propre forme de désobéissance.

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pour y voir plus clair…

L’interview de Pascal Marchand, à l’occasion de la sortie de son livre : « Géopolitique de la Russie » Editeur : PUF Parution :9 Avril 2014

  • Prix editeur : 26€00 – Isbn : 9782130625575

résumé du livre : Russie rime avec immensité, et ce depuis le XVIe siècle. Depuis, ses gouvernants ont toujours veillé à la couper du reste du monde, à y organiser un ‘autre monde’, projet dont le dernier avatar a fait faillite en 1991. La Russie d’aujourd’hui tourne le dos à mille ans d’histoire et a entrepris de se réinsérer dans le monde global. Cela signifie reconstruire toute une économie, tout un système de communications, toute une organisation spatiale.  Mais on ne fait jamais table rase du passé. En effet, les structures et les mentalités infléchissent tous les projets, tandis que l’ampleur des investissements nécessaires impose une autre révolution : l’Etat ne peut plus tout et doit impliquer les acteurs privés, russes et étrangers. Au Kremlin d’harmoniser, et non plus de diriger, l’entreprise. Dans un monde devenu multipolaire, à lui également de restaurer une dignité internationale, après la déchéance brutale de ce qui était il y a peu encore l »autre grand’ de la guerre froide.  La nouvelle puissance russe sera d’abord économique.

 

 

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